1es assises internationale de la médiation judiciaire

Les 16 et 17 octobre 2009 se sont tenues à Paris dans la salle Clemenceau du Palais du Luxembourg les Premières Assises Internationales de la Médiation Judiciaire organisées par le GEMME (Groupement Européen de Magistrats pour la MEdiation) avec le soutien du Ministère de la Justice et des Libertés et de différents organismes. Le thème retenu a été « La médiation, langage universel de règlement des conflits ».

Ces Assises, qui se sont terminées par la création d’une association internationale « la Conférence Internationale de la Médiation pour la Justice » permettant de continuer à partager les diverses expériences, ont pu voir le jour grâce à l’enthousiasme communicatif et au dynamisme de deux Juges : Louise Otis du Québec et Béatrice Brenneur, par ailleurs Fondatrice de GEMME.

Environ 350 participants venus des cinq continents ont assisté aux travaux extrêmement riches et des personnalités prestigieuses telles que Ambassadeur, Ministres de la Justice ou magistrats de cours suprêmes ont honoré de leur présence cette manifestation qualifiée par certains ‘d’événement historique’. Compte tenu du nombre d’intervenants environ une quarantaine -, une forme interactive avec des tables rondes animées par des journalistes a été préférée à des exposés théoriques, les contributions écrites ayant été remises aux participants.

Jacques Barrot, vice-président de la Commission Européenne en charge de la Justice et des Affaires intérieures, a souligné que la médiation s’affirmait chaque jour davantage en indiquant que l’impulsion supra-nationale constituée par la Directive allait contribuer à son développement de manière décisive. Il s’est dit convaincu que la médiation n’avait pas encore trouvé toute sa place.

Le panorama de la médiation en Europe, animé par Pierre Rancé, chroniqueur judiciaire à Europe 1, a principalement porté sur la transposition de la Directive du 21 mai 2008 dans différents pays comme en Grèce, au Portugal ou en Espagne et sur un relevé des pratiques pilotes en distinguant l’institutionnalisation de la médiation, comme aux Pays-Bas, en France ou au Royaume Uni, des pratiques individuelles en Bulgarie, en Croatie, en Italie, en Hongrie ou en Suisse par exemple. Le Ministre de la Justice de Slovénie a annoncé la promulgation d’une loi applicable à partir de 2010, imposant aux juges de proposer la médiation en matière familiale et prud’homale. Les écoles de formation des magistrats ont souligné l’importance de la sensibilisation des jeunes générations à la médiation.

La table-ronde sur la médiation en Amérique, animée par Peter Humi, ancien correspondant de CNN à Paris, a permis des échanges entre des représentants du Canada, des Etats-Unis, du Brésil et de l’Argentine. Certains ont un système hybride et intégré au système judiciaire comme le Québec, d’autres comme la Floride combinent les médiateurs publics payés par l’Etat et les médiateurs privés. Le caractère fédéral de ces grands pays avec une diversité ethnique importante a favorisé cette ‘offre de service additionnelle’ par rapport à la procédure judiciaire classique.

La discussion sur la médiation en Asie-Pacifique, animée par Francette Rosamont, Directrice de Publication d’Inter-entreprises revue antillaise, a démontré également une grande diversité d’approches : ainsi l’Australie, du moins l’Etat de Victoria, a incorporé la médiation dans le procès proprement dit, la Chine voit un retour marqué à la tradition ancienne de Confucius dont l’essentiel de la pensée est que l’homme est la valeur suprême, la conciliation infra-judiciaire existe au Japon depuis plus d’un siècle et le Bangladesh connaît la ‘résolution traditionnelle des conflits’.

Les débats sur la médiation en Afrique et au Moyen-Orient, animés par Laurence Neuer, journaliste au Point, ont fait ressortir les interconnexions entre le système coutumier et le système moderne en construisant avec ce qui a été semé sans rejeter le passé. Au Togo, c’est un déshonneur de recourir au tribunal et au Sénégal comme au Gabon la démarche de coopération est réussie avec des allers-retours entre le droit autochtone et le droit occidental. Au Maroc et en Algérie, la médiation s’appuie sur une tradition ancestrale et a un avenir prometteur, la médiation et la conciliation ont été nouvellement introduites dans le code de procédure civile et administrative algérien. Le Liban, pays aux 18 communautés reconnues fait appel aux ’sages de la réconciliation’ avec un projet de loi sur la médiation judiciaire déposé en juin 2009.

Le thème des médiations internationales a été abordée le second jour : médiation commerciale et médiation familiale. Le choix de la langue apparaît crucial et l’expérience de co-médiations par binôme de médiateurs s’est révélé efficace; la médiation permet d’aboutir à une solution plus consensuelle et plus souple alors que les sytèmes juridiques sont souvent incompatibles. Il a été préconisé des règles minimales pour poser un cadre universel de la médiation internationale.

Compte tenu de l’évolution fulgurante des technologies, de nouvelles méthodes ont été exposées: l’e-médiation fera partie du portail de l’e-Justice européenne, dont l’ouverture aura lieu le 15 décembre 2009 à Stockholm ; la médiation par téléphone ou par internet permet de régler des litiges liées à internet comme en témoignent les 12.000 cas traités en France en 5 ans par le Forum des droits sur l’internet. De même l’e-learning par internet permet une formation à distance qui assure un gain de temps considérable.

Enfin, deux communications ont été faites sur le bénéfice économique à retirer de la médiation : il a été souligné que la médiation est économiquement justifiée du fait de la réduction des coûts financiers et psychologiques qu’elle entraîne ; pour les entreprises, le maintien des relations d’affaires est primordial (il est 6 fois plus cher de gagner un nouveau client que d’en conserver un). La médiation contribue à produire la confiance qui est nécessaire à la résolution efficace des conflits et il n’y aura d’adhésion à la médiation qu’autant qu’existera un processus de légitimisation du médiateur, professionnel qualifié et reconnu.

Ce que l’on peut retenir de ces deux jours très denses, c’est la formidable communion qui a réuni les participants, la médiation permettant de transcender les frontières et les cultures. Ce qui frappe, c’est à la fois l’extrême diversité des expériences et l’absence de divergence majeure. Il est clair que la médiation n’a pas vocation à supplanter l’institution judiciaire mais la place grandissante qui lui est faite partout résulte d’un double mouvement venant d’une part de la société civile qui porte des projets créatifs et d’autre part de l’initiative des juges. Selon une intervenante, ‘la médiation, c’est un état d’esprit qui transforme le désespoir en espoir’.

rédigé par Hélène Gebhardt
secrétaire générale de GEMME

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