Recommandation n° R (99) 19 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la médiation en matière pénale

CONSEIL DE L ‘ EUROPE

COMITE DES MINISTRES

Recommandation n° R (99) 19

du Comité des Ministres aux Etats membres

sur la médiation en matière pénale

(adoptée par le Comité des Ministres le 15 septembre 1999,

lors de la 679e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en application de l’article 15.b du Statut du Conseil de l’Europe,

Notant que les Etats membres tendent de plus en plus à recourir à la médiation en matière pénale, une option souple, axée sur le règlement du problème et l’implication des parties, en complément ou en tant qu’alternative à la procédure pénale traditionnelle ;

Considérant la nécessité de permettre une participation personnelle active à la procédure pénale de la victime, du délinquant et de tous ceux qui sont concernés en tant que parties, ainsi que d’y impliquer la communauté ;

Reconnaissant l’intérêt légitime des victimes à faire entendre davantage leur voix s’agissant des conséquences de leur victimisation, à communiquer avec le délinquant et à obtenir des excuses et une réparation ;

Considérant qu’il importe de renforcer chez les délinquants le sens de leurs responsabilités et leur offrir des occasions concrètes de s’amender ce qui facilitera réinsertion et réhabilitation ;

Reconnaissant que la médiation peut faire prendre conscience du rôle important de l’individu et de la communauté dans l’origine et le traitement des délits et la solution des conflits qui y sont associés, et contribuer ainsi à ce que la justice pénale ait des résultats plus constructifs et moins répressifs ;

Reconnaissant que la médiation exige des qualifications particulières et demande des codes de pratique et une formation agréée ;

Considérant l’importante contribution potentielle des organismes non-gouvernementaux et des communautés locales à la médiation en matière pénale et la nécessité de conjuguer les efforts des initiatives publiques et privées ;

Eu égard aux exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Ayant à l’esprit la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants ainsi que les Recommandations N° R (85) 11 sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal et de la procédure pénale, N° R (87) 18 concernant la simplification de la justice pénale, N° R (87) 21 sur l’assistance aux victimes et à la prévention de la victimisation, N° R (87) 20 sur les réactions sociales à la délinquance juvénile, N° R (88) 6 sur les réactions sociales au comportement délinquant des jeunes issus de familles migrantes, n° R (92) 16 relative aux règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, n° R (95) 12 sur la gestion de la justice pénale et n° R (98) 1 sur la médiation familiale ;

Recommande aux gouvernements des Etats membres de prendre en considération les principes énoncés dans l’annexe à la présente Recommandation, lorsqu’ils développent la médiation en matière pénale, et de donner à ce texte la plus large diffusion possible.

Annexe à la Recommandation n° R (99) 19

I.                   Définition

Les présentes lignes directrices s’appliquent à tout processus permettant à la victime et au délinquant de participer activement, s’ils y consentent librement, à la solution des difficultés résultant du délit, avec l’aide d’un tiers indépendant (médiateur).

II.        Principes généraux

  1. La médiation en matière pénale ne devrait intervenir que si les parties y consentent librement. Ces dernières devraient, en outre, être en mesure de revenir sur ce consentement à tout moment au cours de la médiation.
  2. Les discussions relevant de la médiation sont confidentielles et ne peuvent être utilisées ultérieurement, sauf avec l’accord des parties.
  3. La médiation en matière pénale devrait être un service généralement disponible.
  4. La médiation en matière pénale devrait être possible à toutes les phases de la procédure de justice pénale.
  5. Les services de médiation devraient bénéficier d’une autonomie suffisante dans le cadre du système de justice pénale.

III.      Fondement juridique

  1. La législation devrait faciliter la médiation en matière pénale.
  2. Il y aurait lieu d’établir des lignes directrices définissant le recours à la médiation en matière pénale. Elles devraient porter notamment sur les conditions du renvoi d’affaires aux services de médiation et sur le traitement des affaires après la médiation.
  3. La procédure de médiation devrait être assortie de garanties fondamentales : en particulier, les parties devraient avoir le droit à l’aide judiciaire et, le cas échéant, à un service de traduction/interprétation. Les mineurs devraient, de plus, avoir le droit à l’assistance parentale.
  4. Le fonctionnement de la justice pénale en liaison avec la médiation
  5. La décision de renvoyer une affaire pénale aux services de médiation, ainsi que l’évaluation de l’issue d’une procédure de médiation, devraient être du ressort exclusif des autorités judiciaires.
  6. Avant d’accepter la médiation, les parties devraient être pleinement informées de leurs droits, de la nature du processus de médiation et des conséquences possibles de leur décision.
  7. Ni la victime ni le délinquant ne devraient être incités par des moyens indus à accepter la médiation.
  8. La réglementation spéciale et les garanties juridiques régissant la participation des mineurs à la procédure pénale devraient également concerner leur participation à la médiation en matière pénale.
  9. La médiation ne devrait pas être poursuivie si une des parties principales n’est pas capable de comprendre le sens de la procédure.
  10. Le point de départ de la médiation devrait être en principe la reconnaissance par les deux parties des faits principaux de l’affaire. La participation à la médiation ne doit pas être utilisée comme preuve d’admission de culpabilité dans des procédures judiciaires ultérieures.
  11. Les disparités évidentes concernant certains facteurs comme l’âge, la maturité ou la capacité intellectuelle des parties devraient être prises en considération avant de décider de recourir à la médiation.
  12. La décision de traiter une affaire pénale dans le cadre d’une procédure de médiation devrait être assortie d’un délai raisonnable pendant lequel les autorités judiciaires seraient informées de l’état de la procédure de médiation.
  13. Les décharges données en fonction des accords de médiation devraient avoir le même statut que les décisions judiciaires et devraient interdire les poursuites pour les mêmes faits (ne bis in idem).
  14. Lorsqu’une affaire est renvoyée aux autorités judiciaires sans qu’un accord soit intervenu entre les parties ou si l’on n’est pas parvenu à mettre en œuvre l’accord, la décision sur la démarche à adopter ensuite devrait être prise sans délai.
  15. Le fonctionnement des services de médiation

V.1.     Normes

  1. Les services de médiation devraient être régis par des normes reconnues.
  2. Les services de médiation devraient bénéficier d’une autonomie suffisante pour remplir leurs fonctions. Des normes de compétence et des règles éthiques ainsi que des procédures de sélection et de formation et d’appréciation des médiateurs devraient être développées.
  3. Les services de médiation devraient être placés sous la surveillance d’un organe compétent.

V.2.     Qualification et formation des médiateurs

  1. Les médiateurs devraient être recrutés dans toutes les catégories de la société, et posséder en général une bonne compréhension des cultures et communautés locales.
  2. Les médiateurs devraient être capables de faire preuve d’un jugement sain et des qualités relationnelles nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
  3. Les médiateurs devraient recevoir une formation initiale avant de prendre leurs fonctions puis une formation en cours d’emploi. Leur formation devrait tendre à leur assurer un niveau de compétence élevé, tenant compte des aptitudes à régler les conflits, des exigences spécifiques qu’implique le travail avec les victimes et les délinquants et des connaissances de base du système judiciaire.

V.3      Traitement des affaires individuelles

  1. Avant de commencer à s’occuper d’une affaire, le médiateur devrait être informé de tous les faits pertinents et recevoir des autorités judiciaires compétentes tous les documents nécessaires.
  2. La médiation devrait se dérouler de manière impartiale, d’après les faits de la cause et en fonction des besoins et des souhaits des parties. Le médiateur devrait toujours respecter la dignité des parties et veiller à ce que les parties agissent avec respect l’une envers l’autre.
  3. Le médiateur a la charge d’assurer un environnement sûr et confortable pour la médiation. Le médiateur devrait être sensible à la vulnérabilité des parties.
  4. La médiation devrait être menée aussi efficacement, mais à un rythme gérable pour les parties.
  5. La médiation devrait se faire à huis clos.
  6. Nonobstant le principe de confidentialité, le médiateur devrait signaler aux autorités appropriées ou aux personnes concernées toute information concernant l’imminence d’une infraction grave, dont il pourrait avoir connaissance au cours de la médiation.

V.4      Résultat de la médiation

  1. Des accords devraient être conclus volontairement par les parties. Ils ne devraient contenir que des obligations raisonnables et proportionnées.
  2. Le médiateur devrait faire rapport aux autorités judiciaires sur les mesures prises et sur le résultat de la médiation. Le rapport du médiateur ne devrait pas révéler la teneur des séances de médiation, ni exprimer de jugement sur le comportement des parties à cette occasion.
  3. Evolution de la médiation
  4. Des consultations régulières devraient se tenir entre les autorités judiciaires et les services de médiation pour développer la compréhension mutuelle.
  5. Les gouvernements des Etats membres devraient promouvoir la recherche sur la médiation en matière pénale et l’évaluation de cette dernière.

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